
Considération – Discrimination – Patriarcat
Il était une fois, à 11h31,
dans une entreprise qui se voulait licorne
Un royaume de beaux slogans.
Un royaume de la donnée.
Ici, tout est connecté ou presque : des serveurs, … des illusions.
Les valeurs sont notées sur les murs
: Confiance. Travailler ensemble. Passion. Disruption. Responsabilité.
Sur les écrans :
« Dans notre Valley, nous croyons en l’humain ! »
Entre deux coupes budgétaires et quelques départs « stratégiques »,
le même message continue de circuler, beau et vide.
Certains étaient chargés de rendre publique la note d’égalité.
C’est important d’être joliment égal.
Un euro d’augmentation à chaque retour de congé maternité, et le tour était joué.
Il faut que ça fasse joli sur le rapport,
97/100,
Illusion parfaite.
Au sommet, les dirigeants regardent les chiffres comme on regarde un tableau.
Si la peinture est moche, on repeint.
Quant à la charte égalité hommes-femmes,
toujours la même depuis des années.
À peine un coup de polish pour faire croire qu’on réfléchit.
Elle trône dans les guides internes.
Immuable.
Intouchable.
Décorative.
Un trophée qu’on dépoussière pour la journée du 8 mars.
Elle ne protège pas.
Elle ne change rien.
Elle fait joli sur le rapport annuel.
Des engagées, il y en avait une pelletée.
Des femmes là depuis des décennies, et même la moitié d’une vie.
Quinze ans de loyauté.
Avec des nuits blanches,
des réunions interminables dans des salles nommées Pablo Picasso, Bill Gates ou encore Edison.
Une seule salle portait le nom d’une femme : Ada Lovelace.
Pièce Introuvable.
Des femmes inspirantes, il y en a dans l’histoire, dans la science, dans la recherche…
et, accessoirement, dans l’entreprise aussi.
Quatre femmes au COMEX pour démontrer la parité.
Quatre exceptions, …, car toutes les autres devaient se battre deux fois plus fort pour tout.
Parmi elles, il y avait une assistante aux achats.
Sa mission au départ : classer, tamponner, sourire.
Elle observait.
Elle apprenait.
Elle comptait.
Elle négociait.
Elle n’eut jamais le titre d’acheteuse.
Pourtant, elle dirigeait des projets que d’autres refusaient.
Elle connaissait chaque coût, chaque fournisseur, chaque angle mort.
Mais, au sein de cette licorne, la considération ? Faut pas trop demander.
Quand chaque mail commence par :
« Bonjour Messieurs »
À la CGT, Nous refusons que les femmes soient les victimes de petites économies.
Alors la direction se dit :
« Soyons malins.
Hors de question que cela se voit dans les rapports de politique sociale.
Ne modifions surtout pas leur intitulé de poste.
Ne changeons surtout pas leur fiche.
Gardons le titre.
Ça passera inaperçu. »
Le titre devient alors alibi.
Ce titre est une perversion.
« Ne leur donne pas le poste, elles travailleront comme si, de toute façon.
»
On leur prend bien plus qu’un salaire car il y a là toute leur considération.
Quand les équipes fusionnent, quand trois managers deviennent un,
c’est toujours la même histoire :
ce n’est pas le moins bon qu’on sacrifie,
c’est la seule femme.
Réorganisation.
Optimisation.
Rééquilibrage.
Des mots pour trancher sans bruit.
Des économies faites sur le dos des femmes.
Nous, on dit: « Ça suffit ! »
Car un jour, sans prévenir,
l’assistante devint acheteuse.
Pas chez nous, pour notre concurrent. À quelques kilomètres de là.
C’est même plus près de chez elle.
Trois entretiens. Deux cafés. Une signature.
Là-bas, on lui parla de considération.
On lui fit confiance.
On lui construisit un plan de carrière.
En deux mois, elle eut le titre qu’on lui refusait depuis vingt ans.
Le badge brilla.
Son nom sur sa porte aussi.
Sa vie s’est embellie.
Ici, on ne publia même pas de communiqué.
Rien. Pas un mot. Pas une ligne.
Dans les plaquettes de recrutement, pourtant,
ils ont des photos pour prouver qu’ils sont beaux.
Ils ont des mots pour prouver qu’ils sont humains.
Tout est en ordre.
Tout est propre.
Tout est faux.
Le plus cruel,
c’est que ces décisions sont soutenues par des femmes.
En RH, des HRBP.
Celles qui connaissent les visages, les parcours, les enfants laissés à la garderie,
et qui signent les réorganisations.
C’est l’ironie d’un système où les femmes apprennent à sacrifier d’autres femmes pour prouver qu’elles méritent leur place.
On appelle ça du patriarcat intégré.
Ou trahison.
À toutes les Marie, Élodie et Melika,
on vous voit.
À toutes celles qui ont fini par partir :
pour Sou, Angy, Dorine,
on ne vous oublie pas.
On se battra pour que vos carrières soient reconnues.
Pour que vos noms ne disparaissent plus derrière des slogans creux.
Pour que vos talents cessent d’être des variables d’ajustement.
Nous savons.
Le vrai pouvoir est dans celles qui tiennent,
qui résistent,
qui créent.
Pour qu’enfin, toutes réclament
la considération qu’elles méritent.
Si vous subissez une discrimination, venez nous parler de votre cas.
Nous avons mené quelques batailles, individuelles, la plupart du temps menées dans la plus grande discrétion.
À partir d’aujourd’hui, le 10 novembre, dès 11h31, les femmes commencent à travailler gratuitement,
On ne peut plus se taire.
SOURCES :
https://entreprendre.service-public.gouv.fr/vosdroits/F35103
https://careers.ovhcloud.com/en/ovhcloud-and-you/newsroom/women-tech
https://corporate.ovhcloud.com/sites/default/files/2022-12/ovh-groupe-deu-2022-vdef.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dora_Maar
