
Management – Déshumanisation – Loyauté
Il s’appelle Marc.
Marc, c’est le genre de mec qui ne plie pas, souple comme un roseau.
Des batailles, il en a mené plein : des premières baies « verti » construites à la main, en DC, à la mise en place du vrack et des premières salles PCC.
Vingt ans de loyauté au compteur. Un identifiant qui fait pâlir d’envie les petits nouveaux.
Il a tenu quinze ans dans nos premiers data centers avec courage, force et brio. Les équipes bossaient dur, mais avec engagement, parce que Marc savait les mener, les protéger, comme on veille sur une vieille maison qu’on aime. Tout n’était pas toujours rose, car il avait ses exigences et n’aimait pas les plaintes. Par contre, une fois qu’on l’ avait apprivoisé, c’était un pilier, quelqu’un sur qui on pouvait compter. Il fallait s’en donner la peine, pas facile à aborder au premier abord : un caractère.
Bref, il était là quand tout a commencé, ou presque. Quand tout se faisait à la main. Quand chaque panne se réglait avec de la sueur, du cœur et beaucoup de débrouille.
Et puis un jour, pour des raisons simples, la vie, les gosses, la famille, Marc a changé de ville. Une transition tranquille. Moins de responsabilités, mais ça lui convenait.
Et tout allait bien.
Jusqu’à l’arrivée du nouveau shérif.
Il est arrivé avec ses méthodes, ses slides et une certitude : celle d’apporter un changement. Pas par méchanceté, mais avec de la distance et des process. Il appelait ça « le professionnalisme ». Mais quand on se dit « famille », un vent froid s’est fait sentir.
Certains, au début, ont cru que ce nouveau management apporterait de l’air frais et plus de méthode. Quelques-uns ont d’ailleurs cru y trouver leur compte.
Il n’a pas fallu longtemps pour que l’ambiance sur le site se transforme.
Les sourires ont commencé à s’effacer, les épaules se sont voûtées.
La flexibilité s’est effacée au nom des procédures rigides.
Les sanctions ont commencé à pleuvoir, comme les orages du mois d’août, puis les brimades et quelques phrases bien senties pour donner des ordres, comme un caporal de l’armée.
Au début, tout le monde a serré les dents. Covid. Inflation. Crédit à payer. Ce n’était pas le moment de faire des histoires.
Puis les départs ont commencé. Les historiques. Les électriciens, les techniciens réseau, ceux qui connaissaient chaque chemin de câbles. On leur disait de toute façon que la porte était grande ouverte : ils ont trouvé la sortie.
Marc les a vus, il les a regardés partir. Il n’a plus su les retenir. Les techniciens qu’il connaissait depuis toujours. Sa seconde famille.
On lui demandait d’envoyer des mails avec des exigences qui n’avaient même pas de sens à ses yeux. Il s’est exécuté.
Mais ça l’empêchait de dormir. Il s’est fait rattraper.
Les voix ont enfin commencé à s’élever, timidement d’abord, dans les « Peakon ». Puis autour des machines à café. Puis ils ont osé déposer des preuves.
C’est alors que Marc a fini par plier.
Pas par faiblesse. Par épuisement.
Parce qu’à force de serrer les dents, on ne sent plus rien.
Un arrêt maladie. Un recul. Pour retrouver un second souffle.
Pendant ce temps, les démissions s’alignaient.
Et comme toujours, plutôt que de s’attaquer à la racine, on colmatait.
On bouchait les trous avec des intérimaires, pour faire croire que tout allait bien. Ni vu ni connu, les effectifs étaient comblés. RAS, il n’y avait rien à voir. Et la direction, dans son beau fauteuil du second étage, feignait la surprise. Là-haut, on parlait de roadmap, d’optimisation, d’indicateurs, déconnecté de la réalité du terrain. Les entretiens de départ ? Quatre cases à cocher. Job done.
Alors, une question : pourquoi ? Pourquoi cautionner, couvrir un management toxique et détourner les yeux ?
La vérité est probablement plus simple, plus crue. Une théorie ?
Un trésor, des bénéfices soigneusement cachés, des bonus qui ne tombent pas pour tout le monde.
Pendant que les Brutes font régner la peur, les Truands gardent le coffre.
Ici, vous l’aurez compris, nulle histoire d’argent.
C’est une histoire de valeurs, de sens et de lien.
Parce que ce qui retient les gens, ce ne sont pas les primes.
C’est le sentiment d’appartenir à quelque chose de plus grand.
Tant que les Truands garderont la main sur le magot,
les « Marc » tomberont.
Avertissement : toute ressemblance avec des personnes ou des événements existants (ou ayant existé) serait purement fortuite.
SOURCES :
https://culture-rh.com/manager-toxique-identifier-limiter-effets-negatifs
https://www.inrs.fr/risques/harcelements-violences-internes/ce-qu-il-faut-retenir.html