
Sanction – Avertissement – Licenciement
Alors, Clément, Dans un coin de l’écran, dans le « netchange »*, a préparé la série de commandes à injecter pour déclarer des nouveaux ranges d’IP. Il les copie/colle dans la console du routeur. Tout semble bon. La routine. Il valide. Retour chariot malencontreux. Pas de bol, il ne l’avait pas vue.
Le réseau se fige instantanément.
Un saut de ligne mal positionné et c’est la fin du bloc.
Les routes suivantes sont ignorées.
Depuis l’extérieur, Paris a disparu d’Internet. « Blackout ».
Deux heures d’interruption au bas mot.
Pourtant, Clément repère l’erreur dans l’historique de la console.
il corrige. Ça va extrêmement vite, Mais, les foutus caches mettent des heures à redistribuer les paquets.
Il doit filer, il ne peut rien faire de plus de toute façon.
Le post-mortem* ? Demain. Le NOC est sur le coup.
Le jeudi, il rédige un rapport détaillé à son management. Il alimente le post-mortem, transparence totale. Comme toujours.
Le lundi suivant,
Un Webex de son HRBP : « Tu peux venir ? »
Même les plus fidèles, les plus fatigués, les plus loyaux peuvent se faire broyer par un espace mal placé.
Coup de semonce, ce n’est pas un avertissement qu’on lui donne.
On l’ « humilie » : licenciement pour cause réelle et sérieuse, majestueuse formule du Code du travail.
Motif ?
Antécédent disciplinaire : l’an dernier, il avait osé protester contre le non-paiement de ses heures sup. Il avait levé la voix. Inacceptable.
Il se souvient alors du discours, merveilleux, de son management :
_ « On bosse ici par passion, je te rappelle ! »
_ « C’est le meilleur poste du coin ! »
_ « Quoi de plus motivant ? On est à la pointe de la techno ici ! »
Il s’était mis en colère. Cet argent, on le lui devait. Et il en avait besoin. Fatigué, trop de nuits d’astreinte , il laisse échapper le mot de trop :
« Mais merde, à la fin… »
Sentence irrévocable. Avertissement. Son dossier se remplit.
Lors de l’entretien disciplinaire, les reproches et le mépris des « yakafokon »* : facile de juger quand on ne produit rien mais qu’on sait toujours ce qu’il faudrait faire, il les entend mais ne les écoute plus, il a déjà compris la suite.
Et puis, la RH doit bien faire son travail. Elle est là pour cocher des cases, monter des dossiers, dégainer des sanctions, nourrir la machine qui va te virer le moment venu.
Elle pourrait aussi te donner un coup de main, t’aider à t’accrocher, à te relever, mais soyons honnêtes, ce n’est pas ce qu’on leur demande. Trop vieux, trop cher, à remplacer… la logique est implacable.
Clément devient le coupable idéal. Mais grand seigneur, on lui offre son préavis : il peut passer au helpdesk, rendre son laptop, son badge et rentrer chez lui en toute discrétion, il serait bon que tout cela reste confidentiel.
Le système a gagné. La loyauté ne suffit plus. Autrefois, dans un temps pas si lointain, Clément aurait gagné un t-shirt personnalisé à son effigie…
Avertissement : toute ressemblance avec des personnes ou des événements existants (ou ayant existé) serait purement fortuite.
Avertissement, Mode d’emploi :
Signaux d’alerte
La RH n’est pas obligée de vous prévenir à l’avance ou de notifier le motif exact.
Soyez vigilant·e si :
- Vous êtes convoqué·e « pour un entretien » sans précision du motif.
- On vous demande des explications écrites sur un incident.
Lire attentivement le courrier
- L’avertissement est souvent remis en main propre ou envoyé en recommandé.
- Il reste dans le dossier personnel et peut justifier des sanctions ultérieures.
- Gardez l’original et notez la date d’envoi/réception (les délais partent de là).
- Vérifier La date et le motif indiqué.
- Si les faits reprochés sont précis (dates, heures, lieux).
- Bonne pratique : notez immédiatement votre version des faits, avec témoins si possible et éléments de preuve.
Est-ce que je suis obligé de signer un avertissement ?
Vous pouvez signer le document pour attester de sa réception, mais ajoutez la mention :« Reçu en main propre, ne vaut pas reconnaissance des faits. »
Si vous refusez de de signer : dans ce cas l’employeur fera constater par témoin ou enverra par recommandé.
Dans tous les cas, gardez un double du document.
Réagir rapidement
- Délai pour contester : généralement 2 mois à partir de la notification (Code du travail – art. L1333-2).
- Plus vous agissez vite, plus il est facile de rassembler preuves et témoignages.
Réponse écrite
- Adressez un courrier recommandé avec AR à votre employeur ou RH pour :
- Indiquer que vous contestez l’avertissement.
- Exposer votre version des faits et les éventuelles irrégularités constatées.
- Demander le retrait de la sanction de votre dossier.
Durée de conservation dans le dossier
- L’avertissement reste dans votre dossier personnel tant que l’employeur le conserve.
- Cependant : il ne peut plus être invoqué pour justifier une nouvelle sanction ou un licenciement au-delà de 3 ans (Code du travail, art. L1332-5).
Concrètement :
- Après 3 ans sans nouvelle sanction disciplinaire, l’avertissement doit être considéré comme effacé pour toute nouvelle mesure disciplinaire.
- Vous pouvez demander par écrit à l’employeur de retirer l’avertissement de votre dossier.
- S’il continue à être utilisé après 3 ans, vous pouvez le contester.
La CGT est à vos côtés pendant toutes ces démarches : vérification, rédaction des courriers, conseils juridiques et soutien pendant la contestation.
GLOSSAIRE
Range d’IP : C’est un ensemble d’adresses IP consécutives appartenant à un réseau.
Exemple : 192.168.0.0 à 192.168.0.255 est un range de 256 adresses.
/16 : C’est un bloc d’IP de 65 536 adresses dont les 16 premiers bits sont identiques.
Exemple : 192.168.0.0/16 inclut toutes les adresses de 192.168.0.0 à 192.168.255.255.
Netchange : C’est le plan de changement réseau.
C’est le “document” où sont listées toutes les commandes à exécuter sur un routeur ou switch pour faire une modification en prod, ainsi que l’ordre d’exécution et le plan de retour arrière.
Legacy : Système, équipement ou logiciel ancien, déjà en place depuis longtemps, souvent critique mais pas toujours facile à modifier ou mettre à jour.
Post-mortem : Analyse après un incident pour comprendre ce qui s’est passé, identifier les causes et définir des actions pour éviter que ça se reproduise.
Yakafokon : Expression familière qui revient souvent dans le langage du management ou de la direction, leurs mots préférés sont : “il suffit de”, c’est “juste” ça à faire.